Troisième station
Innocente poutre arrachée à la terre
À la terre sa mère son lieu d’épanouissement
Bois insolemment taillé à la hâte
Triste et sombre poteau qui se dresse devant lui
Il ferme les yeux devant le bois, et tend les mains
Comme un fiancé accueille sa fiancée et lui murmure :
« Bois que j’ai travaillé tu m’es familier
Ton parfum de bois vert me remonte aux sens
Me ramène les joies et peines de mon enfance
De mon enfance à l’atelier de charpenterie »
Il s’abaisse et blottit le bois contre son épaule
Qui veut aller loin ménage sa monture
Premier pas de géant, acclamation de la foule en délire
Un second pas et lancée la longue file de la procession
Funeste cortège arpentant les rues de la Ville Sainte
Une foule de badauds se déchaine
Un ramassis de curieux accoure de partout
L’homme monte pas à pas les marches de la mort
L’épaule meurtrie sous le poids du bois
Gémit de douleur et se plaint
Elle laisse couler un ruisseau de sang
Qui se mêle à la sueur et la sève du bois vert
Mais plus la marche dure et plus les forces l’abandonnent
Les genoux fléchissent
Le corps imbibé de son propre sang
Et le corps couvert de crachats c’est le comble de l’humiliation
Bascule et implore l’hospitalité de la terre sa mère
Un genou à terre la poussière se lève et inonde ses yeux
Il se relève et redresse la tête : un autre pas est-il possible ?
Dieu seul sait
La foule se tait un instant et l’observe