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Dieu est amour
30 mars 2012

Homélie 003

Homélie de Jeudi Saint

Textes : Ex 12, 1-8.11-14

1 Co 11, 23-26

Jn 13, 1-15

 

Chers frères et sœurs,

Bienvenus à tous ici pour cette célébration qui ouvre les fêtes pascales. Jeudi Saint, célébration paradoxale. Célébration de fête de quelque manière : dans la joie nous allons chanter le Gloire à Dieu. Fête parce que nous faisons ensemble mémoire du don qui nous est fait : cette célébration de l’eucharistie, célébration qui accompagne, nourrit et éclaire notre vie tout au long de l’année, et aux moments plus forts de notre existence. Fête et en même temps, mémoire douloureuse, mémoire blessée : un juste, le Juste, Jésus, qui fête la Pâque avec ses disciples, fête et mémoire d’une libération, et tout en même temps, dernier repas, repas d’adieu, alors que l’arrestation déjà se profile, et la condamnation et la mise à mort

Dans nos vies humaines, nous savons combien les repas sont des moments de rencontre importants.

Jésus choisit ce moment important de la vie sociale pour faire ses adieux à ceux qui lui sont tout proches. Que de fois ils ont pris leur repas ensemble. Dans la mémoire des disciples, certains de ces repas restent inoubliables. Pour  l’apôtre Jean, trois repas sont vraiment inoubliables. D’abord celui des noces de Cana où Jésus a accompli son premier signe messianique : l’eau changée en vin! Il y a aussi le fameux jour où une foule nombreuse avait suivi Jésus sur les bords du lac de Galilée. Pendant des heures, il avait parlé en paraboles. Les gens l’écoutaient avec plaisir, et comme toujours dans ces cas-là, on ne voit pas le temps passer. Le soir venu, Jésus ne veut pas renvoyer les gens à jeun. Alors il demande à ses disciples de leur donner eux-mêmes à manger. C’était les mettre dans un embarras extrême. Personne n’avait pensé que la rencontre durerait si longtemps. Les gens n’avaient rien emporté avec eux…sauf un enfant qui met à la disposition de Jésus tout ce qu’il a dans son sac : cinq pains et deux poissons. Alors l’impensable se réalise. Ce soir-là, chacun en a eu autant qu’il voulait.

Autre repas inoubliable pour l’apôtre saint Jean. Celui donné à Béthanie, il y a juste six jours. Chez Marthe et Marie, on ne manquait jamais de rien. Marthe savait recevoir, et nul doute que, pour accueillir le Maître qui avait ressuscité son frère Lazare, elle avait superbement amélioré le régime des jours ordinaires. Mais voilà la surprise : en plein repas, Marie s’approche de Jésus et,  avec un nard très pur, elle oint ses pieds et les essuie avec ses cheveux. L’odeur du parfum se répand alors dans toute la maison. Judas proteste devant un tel gaspillage, mais Jésus y voit l’annonce aimante de sa sépulture prochaine : vous ne m’aurez pas toujours avec vous.

Ce soir, Jésus moins que tout autre oublie ces grands moments de convivialité avec ses disciples. Ce dernier soir, ils étaient douze autour de Jésus et avec lui. L’un d’entre eux, Judas, allait le trahir ; un autre, Pierre, allait le renier. Ces douze, c’est peut-être aussi nous tous et chacun de nous, nous divisés en nous-mêmes, disciples de Jésus, généreux et courageux à nos jours, lâches à d’autres, et peut-être à certains moments un peu traîtres ?

Et plus que tout autre, il sait que ce qu’il dit et ce qu’il fait à cette heure donnent à la commémoration du repas pascal son sens plénier et définitif. Pour nous sortir de toutes les formes d’esclavage du péché et nous introduire dans la liberté des enfants de Dieu, il prend le pain qu’on lui apporte comme il l’avait fait le jour de la multiplication des pains, et il prononce des paroles qui provoquent notre foi : Prenez et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous. Il fait de même avec la coupe remplie de vin : Prenez et buvez-en tous : car ceci est la coupe de mon Sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés.

En gardant au cœur le même objectif pascal, - nous faire sortir de l’esclavage du péché et nous introduire dans la glorieuse liberté des enfants de Dieu – et à quelques heures  de son arrêt de mort, alors que nous célébrons le dernier repas de Jésus avec ses disciples, il nous est bon de méditer ensemble sur le geste que choisit d’accomplir Jésus à l’heure de passer de ce monde à son Père. Jésus se lève de table, se dépouille de son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis, il verse de l’eau dans un bassin, et se met à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. C’était reprendre le geste de Marie et l’étendre à toutes les relations entre ses disciples.

Ce geste aussi surprenant de celui que les disciples reconnaissent comme Maître et Seigneur n’est pas seulement un geste d’humilité : c’est la manifestation la plus profonde de l’hospitalité de Jésus, non pas dans une maison de pierre, mais dans son propre corps. Jésus nous accueille dans son corps : «Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi» dit-il à Pierre (Jn 13,8). Au-delà des douze apôtres présents ce jour là, c’est nous tous, chrétiens d’aujourd’hui qui sommes concernés par ce geste du serviteur. Car c’est aux pieds de chacun de nous que Jésus s’agenouille. C’est chacun que Jésus accueille.

C’est le génie de l’évangéliste Jean de nous présenter le dernier repas de Jésus avec les siens, non pas en mettant l’accent sur le pain et le vin, mais en mettant l’accent sur la portée de ce pain et ce vin offerts par Jésus et que l’Apôtre Paul rapporte dans la seconde lecture. Le pain et le vin sont signes par excellence de son offrande, de sa vie donnée. Ils nous révèlent aussi le sens de sa mission : le pain et le vin, c’est Jésus à nos pieds, corps et sang livrés pour nous, « parce qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », nous dit Jésus. Et Jésus a suivi cette logique jusqu’au bout de lui-même.

Dans les deux cas, la fraction du pain et le lavement des pieds, Jésus réalise du neuf avec de l’ancien. Il accomplit la Pâque nouvelle et éternelle sur la base de la Pâque ancienne et figurative. Le jeune enfant des bords du lac et Marie de Béthanie lui ont offert le nécessaire indispensable à l’œuvre de salut pour laquelle son Père l’a envoyé. Dieu ne veut rien faire sans la libre coopération des hommes. Même pour réaliser son œuvre la plus sublime, la Pâque de notre salut, Jésus, le Fils de Dieu, s’inspire des gestes qui ont le plus touché sa mémoire d’homme : un enfant qui donne tout ce qu’il a, et une femme qui verse sur ses pieds le nard le plus exquis.

Je crois qu’il y a dans ce geste de Jésus accroupi à nos pieds un acte d’amour tellement absolu qui interpelle notre humanité. C’est à ce don de nous-mêmes qu’il nous invite lorsqu’il nous dit, en offrant le pain et le vin à la dernière Cène : « Vous ferez cela en mémoire de moi ». Nous sommes invités, nous aussi, à revêtir le tablier du serviteur, à devenir son corps et son sang pour le salut du monde, une éternelle offrande à la gloire du Père avec lui.

 « Vous m’appelez le Maître et le Seigneur, dit Jésus, vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres; car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi les uns aux autres. »

Demeurons silencieusement ce soir à l’école  de Celui qui nous demande de faire entre nous ce qu’il a fait lui-même pour nous. Il y a là un mystère d’amour et c’est ce mystère que nous sommes invités à contempler ce soir en cette célébration de la Cène du Seigneur. Contempler sans tout comprendre, accueillant dans la foi, et nous faisant un peu plus proches du cœur de Jésus, comme l’apôtre Jean reposant sa poitrine. La liturgie du Jeudi Saint nous invite à contempler le geste que Jésus a posé à l’endroit de ses disciples la veille de sa passion. Car comment évoquer ce qui est au cœur de la vie de Jésus, sinon en rappelant cette image gravée dans la mémoire de l’Église : Jésus à genoux aux pieds de ses disciples.

Quand on y réfléchit, l’enseignement de Jésus est simple au fond. Il se résume dans l’accueil de Dieu, et dans l’accueil du prochain. Jamais l’un sans l’autre. Ce prochain, cet autre : l’ennemi, le mal-aimé, le pauvre, l’étranger, Jésus nous invite à le regarder avec ses yeux à lui, à poser sur l’autre un regard digne de la compassion de Dieu, vraiment porteur de son amour. Jésus nous dit ce soir, à genoux à nos pieds : « Viens à moi avec ton cœur, et tu verras avec mes yeux ».

Le prochain dans l’enseignement de Jésus est quelqu’un que l’on doit aimer comme soi-même, à qui l’on doit pardonner sans se lasser, dont on doit porter le souci quand il a faim, quand il est malade, nu, abandonné, emprisonné. L’autre, le tout proche, comme le plus éloigné des hommes, est tellement important dans l’enseignement de Jésus qu’il devient un chemin privilégié vers Dieu, un passage inévitable, incontournable. Avec Jésus nous apprenons qu’il faut savoir nous approcher de tous ceux et celles que Dieu met sur notre route en revêtant le tablier du serviteur.

Le royaume de Dieu, nous dit Jésus, passe par une charité effective, celle de la tenue de service qui nous amène à nous laver les pieds les uns aux autres; à laver les offenses, les indifférences, les pauvretés dont l’autre est porteur, afin de découvrir en cet autre, un frère, une sœur, aimé de Dieu, digne de son amour et donc digne de notre attention et de notre affection. Jésus nous révèle qu’en toute personne Dieu se fait connaître. Je suis pour toi un lieu où Dieu se fait connaître à toi et tu es pour moi un lieu où Dieu se fait connaître à moi.

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